Récit

Mon voyage au Mexique

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Tout commence au lycée. A 17 ans, je suis bon en maths et physique, et mon entourage me mène ainsi vers la voie dite "royale" de la classe prépa scientifique. Après mon bac, je subis 2 ans de théorèmes, de démonstrations et de compétition, jusqu'au concours à mes 19 ans. L'admission en école d'ingénieur me motivait à travailler : l'école d'ingénieur, c'est le paradis ! Une vie sur campus, ma chambre rien que pour moi sans les parents, toutes les activités, des cours intéressants et concrets, des soirées tous les soirs, plein de temps ... En comparaison à la prépa, le rêve.

Je rentre à l'ENAC, à Toulouse, en septembre 2016. Je suis déçu par les cours et par l'ambiance, et je me dis que peut-être je ne voudrai pas travailler 8 heures par jour dans un bureau. Quand j'ai appris que je pouvais prendre une année de césure (i.e. une année de pause dans les études), j'ai immédiatement commencé à rêver et à rédiger ma demande pour l'administration de l'école.

12 mois pour moi, tellement de possibilités ! Tellement d'apprentissages et d'expériences potentiels !

moi avec mon sac

Voyager

Ceci est un récit autobiographique commenté de mon voyage de 4 mois.

Une fois mon année de césure en poche, je dis à tout le monde "Je vais voyager en Amérique !". Je ne peux plus revenir en arrière. Je me retrouve donc, le 16 octobre 2017, vacciné, un sac de rando sur le dos, en train d'attendre un vol low-cost pour Cuba. Je me suis souvent répété "Putain, qu'est-ce que je suis en train de faire ?", et, dans l'avion, j'appréhendais le moment où j'allais devoir en sortir.

J'avais 12 jours à Cuba avant un vol pour le Mexique. J'y ai pendant ce temps fait mes premières rencontres, découvert les premières différences (et ressemblances) culturelles, et écouté mes premiers morceaux de Salsa. J'ai apprécié l'ambiance de La Havane, marcher dans les rues et essayer d'échanger avec les cubains était simplement plaisant. J'ai dormi chez des gens en Couchsurfing qui m'ont partagé beaucoup, je suis sorti le soir. Les vacances quoi. Ah si, j'ai dormi une nuit dehors, parce que sur le moment c'était moins galère que de s'ennuyer à réserver un lit et de devoir y retourner tard le soir.

La solitude était intéressante. Il ne s'agissait pas de la même solitude que quand on reste seul dans sa chambre. Là, j'étais en permanence en contact avec des gens, dépendant d'eux pour me loger et me nourrir, mais je restais la plupart du temps seul dans ma tête ! Même si j'étais influencé, j'avais le dernier mot sur toute action ou projet me concernant, et j'étais seul à pouvoir prendre mes décisions. Ce n'était cependant plus le cas lorsque je décidais de me joindre à un pote ou à un groupe pour une sortie. Pendant la totalité de mon voyage, j'ai apprécié les sorties à deux, par le partage qu'elles rendent possible. Mais en général, en compagnie de plus de 2 personnes, j'étais vite importuné et n'attendait que de me retrouver libre.

J'ai effectué un aller-retour dans un petit village touristique, Viñales, dans lequel je suis resté 3 nuits. C'était inspirant de voir cet autre mode de vie, ce petit village où ton voisin est ton ami (voir mes réactions à chaud dans la vidéo).

Une fois ces 12 jours écoulés, je me suis rendu à l'aéroport pour Cancún. Là, idem, je me suis fait des potes mexicains grâce à Couchsurfing, et je progressais lentement mais sûrement en espagnol. Je laisse ensuite mon gros sac chez un ami et part explorer les environs.

Je n'ai aucun plan, aucun point de chute, aucun programme, ni aucune attente sur ce que le voyage va m'amener. Je dors dans des auberges de jeunesse après avoir négocié le prix le jour-même. Je rencontre des français qui me prennent en stop dans leur coffre ; on subit un contrôle de police et on négocie le montant pour lequel ils nous laissent partir.

Sur la plage à Tulum, je rencontre 2 artisans et vendeurs de bracelets. Et si je vendais des salades aux touristes sur la plage ? J'avais envie de lancer ce premier projet d'entrepreneur... Ma première start-up est également mon premier échec. Le lendemain, après avoir acheté et préparé des fruits, et après avoir galéré à les vendre sur la plage, je rencontre une femme colombienne qui prépare elle-même des gâteaux au chocolat et au cannabis (cf photo), et qui les vend sur la plage aux touristes américains. Elle ne parle pas Anglais, et je lui propose de l'aider à vendre (cf deuxième partie "Travail")

space cakes

Après quelques péripéties annexes, je me suis rendu sur l'île de Holbox, en vue d'y rester quelques temps. Je suis arrivé dans une auberge de jeunesse dans laquelle je voulais travailler en tant que volontaire, mais ils ne voulaient pas de moi. J'ai donc très facilement trouvé et accepté un job de serveur dans le bar cool de l'île, comme vous pouvez le voir sur la photo (j'en parle aussi dans la partie "Travail"). Après 10 jours, je me suis fait voler mon argent et ma carte de crédit. Ainsi, j'ai vécu une trentaine de jours avec uniquement l'argent gagné grâce à une bonne demi-douzaine d'activités lucratives différentes : vente de joints, service et cuisine en restaurant, traduction de menus en français, promotion d'un bar, action de présenter un dealer à quelqu'un qui cherche de la weed, ...

hot corner

Ces 40 jours ont été une petite épreuve pour ma foi en la vie et mon ego. J'ai repoussé mes limites. Je dormais sur la plage avec mon sac de couchage, sur des transats d'hôtel, et je me faisais régulièrement virer au milieu de la nuit par un garde. Je me suis fait virer au bout de 2 jours d'un restaurant où je confectionnais des jus et smoothies, car je n'était pas assez impliqué, professionnel. J'allais mendier des jobs ou des services aux commerces et hôtels de l'île. Je me rendais compte que les gens compatissants quand tu leur demande un petit service, mais à moins d'amener un petit peu d'argent ou de valeur en retour, il est probable qu'ils t'envoient balader au deuxième ou troisième service que tu leur demandes. Je me rendais compte que j'utilisais mon argent différemment que lorsque j'en avais beaucoup : en fait, je l'utilisais très mal, et cédait à la moindre petite tentation lorsque ma poche le permettait. Mais en contrepartie, j'étais connu et populaire dans la petite ville, et je ne restais pas quelques heures d'affilée sans parler à quelconque touriste européen ou travailleur mexicain ; j'ai sympathisé avec une grande variété de gens, et me suis fait inviter à dormir à quelques reprises. De plus, rester longtemps sur l'île m'a permis de me faire des meilleurs amis.

Bref, autant dire que j'étais quand même content quand mes parents m'ont envoyé de l'argent par virement cash. Cependant, avant de continuer à voyager, je suis allé camper quelques jours sur la plage, loin de la ville et entre des flamands roses et des ratons laveurs, avec un groupe de hippies qui avaient du matériel pour dormir (tentes et hamacs avec moustiquaires), et qui savaient pêcher et faire un feu (cf photo).

barracuda fire

En partant de l'île, et pendant les 2 derniers mois de mon voyage et à part 2 étapes dont je vais parler, j'étais très mobile, j'ai passé beaucoup de temps dans les transports, et ai visité beaucoup de villes différentes. Ce n'étaient pas les phases les plus enrichissantes du voyage, même si je découvrais de nouveaux lieux (je suis allé jusqu'au Guatemala) ; cependant, elles m'ont appris à mieux accepter la vie, à saisir les opportunités imprévues et à écouter mes envies. Parfois, la présence des autres m'irritait, et je voulais être seul dans le dortoir de l'auberge de jeunesse. Parfois aussi, j'avais l'impression d'être bloqué dans une routine auberge de jeunesse-marché-bus.

La première étape a été à Sotuta, où j'ai aidé bénévolement pendant 2 semaines un petit groupe de Mexicains cultivés qui construisent leur retour à la terre, leur lieu de vie écologique en pleine forêt. Ayant acheté un grand terrain à 3km du petit village, ils bâtissent des lieux de vie avec le bois qu'ils ont coupé et écorché et lié eux-mêmes (sur la photo : le bâtiment cuisine et salle à manger), et ils s'occupent de leurs plantations variées, en vue de subsister à long-terme sur ce terrain et d'en faire un "lieu d'art et de partage". Leur bibliothèque était bien garnie, et j'ai appris beaucoup sur l'architecture, l'éco-construction, l'agriculture ; j'ai aussi découvert le mode de pensée des membres de ce groupe, qui vivent pour le projet commun et qui se sont engagés à y dédier leur vie. Ils s'inspirent de la culture maya, qui véhicule des valeurs de respect de la terre (idée que la Terre est nourricière), et ils apprennent à cultiver selon les traditions. L'ambiance était également particulière dans la maison, où les enfants du village venaient souvent jouer ou apprendre auprès des membres du groupe, et où des joints tournaient très très souvent. Je n'avais jamais interagi avec des enfants en tant qu'adulte, et je dois admettre qu'il est plaisant de redevenir un enfant le temps de la partie de lego ! Je trouve de plus intéressant d'analyser les comportements de l'enfant, et de tenter de le raisonner.

kitchen forest

La deuxième étape déterminante était au Guatemala, à San Marcos, un village au milieu de volcans, au bord d'un lac magnifique, réputé pour être un lieu de méditation. Je me suis fondu pendant 4 jours dans un groupe de touristes inscrits à une retraite d'un mois dans un centre de méditation. Yoga, méditation, et cours théoriques ont lieu dans un temple, i.e. une pièce carrée, silencieuse, fermée, avec quelques objets (cf photo). Tout d'abord, l'ambiance y était vraiment agréable, adaptée pour vivre une vie des plus détendues. Le soleil tapait fort pendant la journée, et une petite brise fraîche et humide prenait le relais au coucher du soleil. Ensuite, j'ai appris à respirer, et les cours théoriques et les discussions avec les membres de cette "colo de méditation" m'ont ouvert l'esprit sur certains concepts et modes de pensée que je n'aurais même pas considérés auparavant, en affirmant bêtement "j'y crois pas". On parle d'intuition, de télépathie, de Dieu, de l'homme en tant que partie d'un tout et non en tant qu'individu, d'inconscient collectif, et d'autres choses un peu trop mystiques et irrationnelles pour mon esprit très (et désormais un petit peu moins) logique. On mange bien, peu, et végétarien. Je me sentais à l'aise avec les membres, qui avaient tous beaucoup à m'apprendre.

temple meditation las piramides san marcos guatemala

Ces 3 étapes (Holbox, Sotuta et San Marcos) me donnent envie de vivre à la campagne. Après quelques semaines dans un lieu tranquille, arrivant en ville, 2 choses me dérangent : les gens et les voitures. Je me sens oppressé quand je marche dans une rue pleine, et je ressens la pollution sur ma peau et dans mes narines.

-Du coup, je me dis que je voudrais un chez-moi tranquille, mais loin des gens, donc loin des villes. Peut-être que les villes ne sont créées que pour rassembler des activités, et que tu n'en as besoin que pour les quelques activités qu'elle t'offre et dont tu as besoin. Peut-être que vivre dans un petit village suffit, et que si tu as besoin de quelque chose qu'il ne t'offre pas, tu peux faire un aller retour à la grande ville proche.

-En ville, on sent tous mauvais : en fait, on sent tous la ville. Pourquoi on arrête juste pas de vivre en ville, au lieu de mettre du déodorant pour masquer l'empreinte de la ville sur nos corps ?

-Je pense qu'en ville, le bruit et les gens te stressent, même si tu ne t'en rends pas forcément compte à force de vivre dans ce stress.

Enfin bref, je suis à présent de retour chez mes parents à Paris. Alors oui c'est en ville, mais c'est chez moi, et être chez soi, c'est la chose la plus agréable et la plus productive au monde. Je suis très satisfait d'avoir voyagé pendant ces 4 mois, car j'ai appris et découvert des choses très différentes de ce que j'aurais appris chez moi, ce qui me permet de mieux penser et d’avoir beaucoup d’idées de projets potentiels. Mais je n'ai pas envie de repartir à l'heure qu'il est, je ne me vois pas voyager tous les ans, et je me dis que ces 4 mois doivent donner suite à des apprentissages de plus long terme. Être chez moi m'offre énormément de possibilités: je peux apprendre la musique, dormir autant que je veux et quand je veux, faire des vidéos et du montage, créer un site internet, ... Je suis parti en voyage aussi pour sortir de ma zone de confort, et je me dis aujourd'hui qu'être chez soi, dans le meilleur confort possible, permet d'être plus efficace dans le développement de sa personne et de ses projets. Ce n'est pas en changeant de ville tous les 4 jours que nos projets de vie vont avancer ... J'ai tendance à penser que, pour créer un gros projet de long-terme, il faut se poser.

Travailler

Pendant ce voyage, j’ai vécu de nombreuses expériences pouvant être assimilées à une forme de travail.

J’ai travaillé à plusieurs reprises en tant que salarié. J’échangeais du temps contre de l’argent, souvent en effectuant une action peu plaisante (on pourrait dire pénible) sur le long terme. J’ai été serveur (3 semaines), cuisinier (2 jours) et réceptionniste (1 jour). Ce qui me motivait était non seulement l’argent, mais également les bonnes expériences et les apprentissages auxquels je pouvais accéder en donnant mon temps.

La relation au patron est quelque chose qui me rend perplexe à chaque fois. Peut-être en tant que partisan du moindre effort, je me demandais souvent comment faire le moins d’effort possible pour conserver la paie, les bonnes expériences et les apprentissages. En fait, progresser dans le métier que j’effectuais ne me motivait pas, et les contraintes du business pour lequel je travaillais ne ne motivaient pas non plus à me donner pour être efficace : je ne m’identifiais pas à mon employeur, et retombais dans la logique « Comment tirer le plus possible de cette expérience tout en donnant le moins d’effort possible à mon employeur ? »

J’ai également travaillé en tant que volontaire. Finalement, c’est comme être salarié, sauf qu’au lieu de l’argent on te paie avec des services (souvent, le logis et les repas). J’ai été volontaire pendant 2 semaines dans un petit groupe de hippies qui construisaient leur lieu de vie écologique en pleine forêt : ils étaient sympathiques et intéressants, mais finalement, pendant les heures de travail, je les voyais un peu comme mes boss et retombait ainsi dans les logiques flemmardes.

Ainsi, comment éviter ce problème et retrouver la motivation ? J’en déduisais qu’il fallait :

-Soit, que je trouve un métier dans lequel je suis motivé par une progression sur le long-terme. Un métier d’ingénieur, qui demande la connaissance et la maîtrise de systèmes complexes, pourrait peut-être m’apporter cette motivation.

-Soit, que je m’identifie à la cause de mon employeur. Ainsi, il faudrait que ce dernier soit un proche ayant créé un business que je soutiens et auquel je m’identifie, ou alors que je sois mon propre employeur (je serai plus motivé à travailler pour un projet duquel je suis co-fondateur, vu que je m’identifierais pleinement à ce projet).

J’ai également exercé des activités pouvant être apparentées à de l’entrepreneuriat. Je faisais de l’achat-revente, je vendais des salades de fruits concoctées par mes soins sur la plage. Le côté motivant est justement que le projet venait de moi, et que pour le faire fonctionner il fallait naturellement que j’y mette l’effort. C’est ce qui me pousse, en ce moment, à lancer le projet des Méditations du Dimanche (voir ici).

Finalement, j’ai travaillé comme promoteur de bar. C’est un métier proche de celui de recruteurs de donateurs que j’avais fait à Paris pour l’association Aides. Je devais donner un coupon de réduction aux gens sur la plage pour remplir le bar le soir ; chaque fois qu’un client présentait mon coupon, je gagnais une commission. Je trouve la récompense plus motivante que la rémunération à l’heure : là, j’étais motivé pour être le plus efficace possible pour donner mes coupons en le moins de temps possible.

C’est en réalité, aussi, ce genre de stratégie que j’adopte pour tous mes projets personnels : je veux qu’ils atteignent l’objectif le plus facilement et naturellement possible, donc je vais travailler exactement ce que j'ai besoin de travailler, et rien de plus. C’est également ce que je me disais en prépa pendant les concours : je voulais atteindre mon objectif d’obtenir l’ENAC avec le moins de temps de travail et le plus d’efficacité possible !

Apprendre seul

En demandant l’année de césure, le fait de pouvoir apprendre seul me motivait également.

Pendant ce voyage, j’ai lu beaucoup de livres sur des sujets très variés : sciences humaines, philosophie, histoire, architecture, éco-construction, économie, politique, spiritualités, rêves, musique, développement personnel, et quelques fictions. Finalement, je ne me suis jamais forcé à apprendre, je ne me suis jamais dit « Allez Sam, il faut que tu apprennes, il faut rentabiliser l’année ». Mais, tout comme en ce moment à Paris, la connaissance venait naturellement à moi.

J’apprenais la musique sur mon harmonica et sur des livres de partitions que j’avais avec moi (et également en écoutant de la salsa dans les bars). J’ai également rencontré des guitares au cours des diverses étapes.

J’ai appris l’espagnol, mais j’ai surtout appris à apprendre une langue en situation. J’ai par exemple appris que les mots de positionnement relatif dans le temps et l’espace (avant, après, devant, derrière, proche, loin, hier, demain, …) sont des plus utiles au quotidien, et j’irai apprendre ces mots le plus tôt possible si j’apprenais par exemple le chinois.

Je suis rentré à Paris en me disant que le fait d’être chez moi allait me faciliter la tâche, et en effet. J’ai pu designer et programmer un site web, acheter du matériel de musique et faire des instrus de rap, tourner des vidéos, apprendre la guitare de manière plus régulière, lire d’autres livres … et développer un projet d’atelier.

Apprentissage seul n’exclut pas apprentissage des autres : par les nombreuses discussions et les nombreux travaux dans lesquels j’étais impliqué, je puisais beaucoup de connaissance des autres (et toujours aujourd’hui à Paris, avec mes amis ou ma famille).

Conclusion

Cette année de césure est la meilleure que j’aurais pu avoir. Le voyage est le meilleur que j’aurais pu vivre. En n’ayant pas d’attentes de ni l’une ni l’autre, je ne pouvais en effet n’avoir que des bonnes surprises.

Écrit par Sam
le
12/03/2018